En 2021, les accidents de travail touchant les jeunes travailleurs et travailleuses âgés de 16 ans et moins ont connu une hausse de 36 % (CNESST, 2022). En tant que maman de deux jeunes adolescents, cette statistique me donne froid dans le dos… Je considère que les jeunes sont l’avenir de notre société. Ils sont beaux, forts, travaillants et ambitieux! Mais connaissent-ils bien les mesures à leur disposition pour assurer leur santé et leur sécurité dans leur nouveau milieu professionnel?
Quand un jeune travailleur se blesse gravement ou, pire, quand il perd la vie sur son milieu de travail, c’est toute la société qui perd au change. C’est un deuil collectif!
Quels sont les facteurs qui expliquent cette augmentation marquée des accidents de travail touchant les jeunes? Et, surtout, comment éviter l’évitable?
Le contexte actuel : un marché de l’emploi en difficulté
La situation actuelle est sans précédent. Jamais (ou presque!) on n’a vu autant de jeunes prendre ainsi la relève pour assurer le roulement des petits commerces tels que les boutiques, les restaurants, les épiceries et j’en passe! En ces temps de pénurie de main-d’œuvre, les jeunes travailleurs et travailleuses constituent un nouveau bassin d’employés motivés qui prennent d’assaut avec quelques années le marché du travail; parfois avec un peu de candeur ou attiré par des salaires alléchants à leur âge…
Pour certains plus pragmatiques, l’équation pour comprendre l’augmentation des accidents de travail touchant cette jeune main-d’œuvre est simple : plus de jeunes = plus de possibilité d’accidents. Mais le problème est tout de même plus profond que cela et ce serait se voiler la face que de ne pas fouiller davantage la question…
Que dit la loi sur le travail des jeunes
Saviez-vous que, en théorie, il n’existe pas de normes au Québec concernant l’âge minimum pour accéder au marché du travail? Bien que l’Organisation internationale du travail ait fixé à 15 ans l’âge minimum pour travailler (ou 18 ans, dans le cas d’un travail comportant un facteur de dangerosité); chaque pays demeure libre de décider de ses propres règles.
Au Québec, tout enfant âgé de moins de 14 ans peut décrocher son premier travail à la seule condition qu’il obtienne le consentement écrit de son parent ou de son tuteur. Techniquement, un enfant de 10 ans pourrait donc accéder au marché du travail avec une simple autorisation parentale… On ne parle pas ici d’un petit boulot de jeunesse comme garder des enfants ou tondre le gazon pour les voisins, mais bien d’un emploi déclaré, rémunéré selon les dispositions prévues par la loi.
Cependant, afin de préserver le droit et l’obligation de fréquentations scolaire de tout enfant jusqu’à l’âge de 16 ans, la loi prévoit certaines restrictions supplémentaires quant au travail des jeunes d’âge mineur :
Un employeur ne peut pas exiger à un jeune travailleur d’accomplir des tâches qui :
- dépassent ses capacités;
- risquent de nuire à son développement physique et psychique;
- compromettent sa santé et sa sécurité.
Un employeur ne peut pas demander à un jeune travailleur de s’absenter de l’école pour se rendre au travail si ce dernier :
- est âgé de moins de 16 ans;
- a atteint 16 ans pendant l’année scolaire en tour.
Ces dispositions ne s’appliquent cependant pas à l’enfant de moins de 16 ans qui a obtenu son diplôme d’études secondaires ou une attestation d’études professionnelles reconnue par le ministère de l’Éducation.
- De même, un employeur ne peut pas exiger la présence au travail d’un jeune de moins de 16 ans entre 23 h et 6 h, et ce, même la fin de semaine.
La loi est donc claire : aucun jeune travailleur de moins de 18 ans ne devrait accomplir des tâches dépassant ses capacités ou pouvant compromettre sa santé ou son développement global. Soulignons d’ailleurs que certaines tâches sont encadrées par des réglementations prévues par la LSST. Par exemple :
- toute personne doit avoir au moins 16 ans pour conduire un chariot élévateur;
- aucun travail nécessitant l’utilisation d’un appareil de levage motorisé ne peut être effectué par un travailleur de moins de 18 ans;
- tout travail dans les excavations et tranchées est interdit aux travailleurs de moins de 18 ans;
- tout travailleur qui effectue l’abattage manuel d’un arbre à l’aide d’une scie à chaîne doit, entre autres, avoir au moins 16 ans.
(Source : CNESST, 2022)
Bien qu’elles établissent certaines balises pour encadrer le travail des jeunes d’âge mineur, les lois québécoises actuelles sont cependant incomplètes. Par exemple, elles n’obligent pas les employeurs à adapter les postes de travail aux besoins et aux caractéristiques spécifiques de leur jeune main-d’œuvre.
Éviter l’évitable : quelques pistes de solutions
En tant qu’employeur, lorsque vous prenez la décision d’engager de jeunes travailleurs et travailleuses, vous devriez toujours vous demander : comment puis-je protéger la santé ainsi que l’intégrité physique et psychique de mes jeunes? Voici quelques pistes afin d’y parvenir adéquatement :
- les informer sur les risques liés à leurs tâches;
- rester ouvert en accueillant avec écoute et respect leurs commentaires et doléances;
- offrir une formation, un entrainement et une supervision adéquate et constante;
- adapter ses approches en gardant en tête que l’on ne s’adresse pas aux adolescents de la même manière qu’aux adultes et qu’ils auront besoin de plus de temps, d’encadrement et de coaching;
- prévoir une organisation du travail, des méthodes et des techniques adaptés;
- adapter les postes de travail pour les jeunes travailleurs;
- fournir des équipements de protection individuelle (ÉPI) convenant à leur physionomie, etc.
Agissons en amont en prévoyant la mise en place de ces mesures avant d’accueillir au sein de votre équipe cette jeune main-d’œuvre qui, si elle est traitée avec le respect qu’elle mérite, constitue un atout pour votre entreprise.
La formation, encore et toujours!
Les activités de sensibilisation, de formation et d’encadrement jouent un rôle crucial dans la diminution des accidents en milieu de travail (et pas seulement pour les jeunes travailleurs!). D’une part, en tant que gestionnaires, vous devez être conscientisé au sujet des enjeux inhérents à l’embauche d’une main-d’œuvre d’âge mineur. Pour assurer la sécurité de ces jeunes, vous devrez également vous informer sur leur développement physique et psychique ainsi que sur les façons de soutenir cette évolution vers l’âge adulte dans un cadre professionnel.
Ces jeunes n’ont en effet parfois pas encore acquis complètement la maturité nécessaire afin de prendre des décisions éclairées, de gérer le stress ou de s’exprimer adéquatement; ce qui n’enlève rien à leur professionnalisme et à leurs compétences. Gardez cependant en tête que ces jeunes auront besoin de vous et d’un accompagnement supplémentaire qui doit être considéré comme un investissement, car vous formez la main-d’œuvre qualifiée de demain!
La SST de nos jeunes : une responsabilité collective!
Ainsi, la santé et la sécurité de nos jeunes sur leur milieu de travail devraient être l’affaire de tout le monde : les jeunes eux-mêmes, les employeurs, l’entourage et la famille des jeunes tout comme leur voisinage, etc. En fait, la culture en santé et en sécurité du travail devrait être une responsabilité sociale collective.
Ouvrons donc la discussion avec nos jeunes au sujet de ce qu’ils vivent au travail. Donnons-leur les outils pour qu’ils s’épanouissent dans leur milieu de travail. Ces jeunes contribuent au développement économique de nos entreprises, surtout en ces temps plus difficiles où les mains levées pour reprendre le flambeau sont rares.
La sensibilisation, un moyen de protection
En tant que professionnelle en santé et sécurité du travail, je rêve du jour où l’on intégrera, dès le secondaire, des notions relatives à la SST aux programmes scolaires . Je ne vous le cacherai pas, la sensibilisation est mon cheval de bataille. Afin de participer au changement de mentalités, Culture SST offre d’ailleurs des conférences de sensibilisation à la santé et à la sécurité du travail destinées aux entreprises, mais s’adaptant également aux jeunes fréquentant un milieu scolaire professionnel notamment.
Pour ma part, je n’ai pas l’intention de rester les bras croisés en attendant que la statistique de trop soit mon enfant, mon neveu ou ma nièce; l’enfant de mes voisins ou de mes amis…
Et vous, que ferez-vous pour protéger vos jeunes travailleurs et travailleuses?